Sélection des risques accélérée au Canada :
Assurer une croissance durable
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La sélection des risques accélérée, une pratique en pleine croissance même avant la pandémie, est maintenant fermement établie dans le processus de proposition d’assurance vie. La sélection des risques accélérée désigne l’exonération de certaines exigences de sélection des risques traditionnelles (p. ex., prélèvements, signes vitaux) pour un sous-ensemble de proposants qui rencontrent des exigences favorables en matière de risque dans le cadre d’une sélection des risques complète en assurance vie. Bien que l’interprétation de la sélection des risques accélérée puisse varier d’une compagnie d’assurance à une autre, ce qui est universel est que l’absence de prélèvement se traduit par une expérience de sélection des risques plus rapide et moins invasive pour la majorité des proposants d’assurance vie.
Toutefois, renoncer à obtenir des preuves de sélection des risques pour accélérer le processus n’est pas sans risque pour les assureurs. Obtenir moins de preuves se traduit par une baisse de la confiance à l’égard de l’état de santé du proposant, ce qui peut distordre l’équation « risque/rendement » si d’autres mesures d’atténuation des risques ne sont pas prises.
À mesure que l’industrie continue de développer, d’ajuster et d’élargir la sélection des risques accélérée, il est impératif que nous tenions compte des répercussions et que nous relevions les défis de ces programmes. L’ensemble de l’industrie a un rôle à jouer pour assurer la durabilité de la sélection des risques accélérée au Canada, qu’il s’agisse d’appliquer de bonnes pratiques de gestion des risques ou de nous mettre au défi de repenser les conceptions de produits et de sélection des risques. Les assureurs doivent avoir confiance en leur sélection des risques tout en continuant d’offrir aux clients la même valeur, et ce au rythme auquel ils s’attendent maintenant, tout en gérant leur exposition au risque. Comment pouvons-nous atteindre cet équilibre?
Sommes-nous en train de céder?
Munich Re, Canada (vie) publie tous les ans le Sondage sur l’assurance individuelle, qui recueille les perspectives et les tendances de l’industrie canadienne pour l’ensemble des produits d’assurance vie individuelle et maladies graves. Selon les résultats historiques du sondage, il y a dix ans, la limite sans prélèvement maximale était de 500 000 $, et environ 15 % des nouvelles polices d’assurance vie individuelle étaient émises sans prélèvement. Aujourd’hui, de 60 à 70 % des polices d’assurance vie individuelle sont souscrits sans prélèvement jusqu’à concurrence de cinq millions de dollars. Maintenant, la question à cinq millions de dollars est : qu’avons-nous perdu en renonçant aux prélèvements, et pouvons-nous récupérer ce que nous avons perdu?
Comme il y a moins de points de données recueillies pendant le processus de proposition et que les sources de données de tiers au Canada sont limitées, il est plus difficile d’évaluer le risque dans le cadre d’un programme de sélection des risques accélérée. Les proposants ont une meilleure occasion de profiter de l’asymétrie de l’information, c’est-à-dire qu’ils en savent peut-être plus sur leur propre santé que ce qui est communiqué à l’assureur. En théorie, moins l’assureur a confiance en une évaluation de sélection des risques, plus la prime qui devrait être calculée pour compenser l’absence de preuve devrait être élevée. Pourtant, d’après notre sondage, la prime moyenne d’une police d’assurance vie temporaire 10 ans est passée de 2,10 $ il y a dix ans à environ 1,90 $ aujourd’hui. Cette diminution de prime est conforme à l’amélioration moyenne de la mortalité globale pour ces années et reflète probablement les économies de coûts réalisées par les assureurs qui exigent moins de preuves de sélection des risques. La tarification peut aussi tenir compte de l’incidence de la COVID-19 et des variations des taux d’intérêt au fil des ans. Mais avons-nous réussi à compenser la baisse de notre niveau de confiance, et est-ce suffisant?
D’un autre côté, la sélection des risques accélérée offre des avantages clairs sur le plan de l’expérience client. Nous voyons dans notre sondage qu’il y a dix ans, il fallait en moyenne 30 jours pour émettre une police. Il faut maintenant moins de 20 jours en moyenne, et ce nombre devrait probablement continuer à baisser, car les assureurs cherchent à accroître leur traitement automatisé. On pourrait croire qu’un processus de sélection accélérée permettrait de protéger un plus grand nombre de Canadiens. Cependant, le nombre de polices mises en place n’augmente pas. En ce qui concerne le nombre de polices d’assurance vie individuelle, la LIMRA indique une chute de 20 % au cours des 10 dernières années, bien que les primes globales aient augmenté en raison de l’orientation du marché sur les clients fortunés.
Voici le défi que nous devons relever : Élaborer un cadre pour sélectionner et comprendre le risque d’une façon conviviale pour les clients, qui permet aussi de protéger un plus grand nombre de Canadiens.
Pratiques optimales en matière de contrôle des risques
Lors de la mise en place d’un programme de sélection des risques accélérée, les assureurs doivent s’attendre à un changement dans leurs décisions de sélection des risques par rapport à celles qui sont prises au moyen d’approches de sélection des risques traditionnelles. Par exemple, un proposant qui omet de divulguer son diabète non maîtrisé pourrait recevoir une décision standard dans le cadre d’un programme de sélection des risques accélérée qui ne nécessite pas d’analyses demandées par les assureurs. En revanche, dans le cadre d’un processus de sélection des risques traditionnel exigeant des analyses de laboratoire, l’assureur déciderait probablement de refuser la couverture à la lecture des résultats de laboratoire et à la découverte de la déficience non divulguée. De même, les programmes de sélection des risques accélérée peuvent avoir une incidence sur la décision d’offrir une couverture à une prime plus élevée, par exemple lorsque l’usage du tabac, des problèmes de santé non déclarés ou des nouvelles conditions de santé sont détectés.
Afin que les assureurs puissent comprendre l’incidence de leur programme de sélection des risques accélérée sur leur prise de décision, ils devraient mettre en place des échantillons aléatoires. Les échantillons aléatoires consistent à sélectionner au hasard des proposants, pour lesquels la sélection des risques a été effectuée avec un minimum de preuves au-delà de la proposition ou de l’entretien téléphonique, pour être ensuite assujettis à des exigences supplémentaires de sélection des risques. Les preuves supplémentaires demandées pourraient être une combinaison de prélèvements, de signes vitaux et/ou un Rapport du médecin traitant (RMT) ponctuel. Un assureur peut utiliser les échantillons aléatoires pour mesurer la déviation de la mortalité, c’est-à-dire la détérioration prévue de la mortalité d’un bloc d’affaires avec sélection des risques accélérée par rapport au rendement de mortalité du même bloc d’affaires s’il avait été entièrement tarifé au moyen d’une approche traditionnelle.
Aux États-Unis, une approche courante pour évaluer la déviation de la mortalité consiste à examiner les résultats de chaque échantillon aléatoire et à comparer ce que la décision de sélection des risques accélérée aurait été par rapport à la décision définitive une fois que les preuves de sélection des risques supplémentaires ont été prises en compte. Les différences résultant des échantillons aléatoires sont ensuite pondérées en fonction de la valeur actualisée des réclamations prévues. À l’heure actuelle, aucune méthode uniforme n’est utilisée au Canada pour calculer la déviation de la mortalité. La capacité d’un assureur à calculer la déviation de la mortalité peut être influencée par la façon et le moment où, dans le cadre du processus de sélection des risques, les échantillons aléatoires sont déterminés, par la décision théorique d’un échantillon aléatoire concernant une sélection des risques accélérée malgré la vérification, et par le nombre d’échantillons aléatoires effectués, en particulier selon les catégories les plus intéressantes en ce qui a trait à l’âge et au montant d’assurance.
Lors de la mise en place d’un programme de sélection des risques accélérée, les assureurs doivent s’attendre à un changement dans leurs décisions de sélection des risques par rapport à celles qui sont prises au moyen d’approches de sélection des risques traditionnelles.
Cependant, les échantillons aléatoires ne sont pas sans difficulté en raison des répercussions possibles sur les clients et les conseillers. Nous recommandons aux assureurs d’établir un volume crédible d’échantillons sur une période de six mois. Une fois que l’étendue du changement dans l’évaluation du risque est comprise, les assureurs doivent obtenir de la rétroaction sur l’expérience client et apporter des modifications à leur programme de sélection des risques accélérée, au besoin, en y ajoutant par exemple des modèles de fausse déclaration. Ensuite, l’assureur peut rajuster le niveau des échantillons aléatoires au fil du temps. Cette approche offre un moyen éclairé d’équilibrer la surveillance des risques avec les objectifs de l’entreprise.
En complément des échantillons aléatoires, une autre pratique optimale consiste à mettre en place des échantillons ciblés. Les échantillons ciblés utilisent des méthodes non aléatoires pour sélectionner les proposants afin d’obtenir des preuves de sélection des risques supplémentaires. Une combinaison de règles de sélection des risques et de modèles prédictifs, comme le comportement des conseillers, la propension à fumer, et les fausses déclarations quant à l’IMC, pourrait être utilisée pour cibler les échantillons. Ceux-ci donnent aux assureurs l’occasion d’assouplir les exigences de sélection des risques tout en effectuant un examen plus approfondi, au besoin.
Une fois mises en œuvre et peaufinées au fil du temps, ces méthodes de vérification pourraient orienter l’amélioration des produits et des programmes, et accroître la confiance à l’égard des décisions accélérées.
Pertes dans le processus de sélection des risques accélérée
Les pertes représentent la grande catégorie des propositions qui n’ont pas été traitées, qui ont été fermées parce qu’elles étaient incomplètes ou dans le cadre desquelles aucune police n’a été souscrite par le proposant. Parfois, une demande de preuve de sélection des risques peut amener le proposant à reconsidérer sa demande d’assurance pour des raisons tout à fait anodines, comme les inconvénients liés au fait de devoir soumettre des analyses de sang et d’urine. Cependant, lorsque les raisons sont moins anodines, nous considérons que la perte est « sélective ». Il y a une perte sélective lorsqu’un client renonce à sa proposition d’assurance précisément pour éviter de fournir à l’assureur une preuve qui aura une incidence négative sur son admissibilité à l’assurance ou sa prime.
Selon le Sondage de Munich Re sur l’assurance individuelle mené en 2024, les pertes moyennes pour toutes les propositions d’assurance vie individuelle étaient de 11 %. De plus, les taux de perte étaient moins élevés pour les propositions traitées sans prélèvement, et plus élevés si les propositions étaient un échantillon. Cet écart indique que la probabilité de perte dépend de la quantité de preuves recueillies auprès du proposant. L’expérience de Munich Re indique également que les pertes peuvent varier selon le réseau de vente, ce qui peut être attribuable à divers degrés d’influence des conseillers par réseau.
Les assureurs dont les taux de perte sont supérieurs à la moyenne devraient considérer que les résultats de leurs échantillons aléatoires ne sont pas tout à fait aléatoires, et qu’ils pourraient ne représenter que la proportion faussée de proposants qui étaient disposés à soumettre des preuves supplémentaires.
La perte sélective est un problème difficile à résoudre. Il est difficile de quantifier la quantité de perte sélective et les répercussions sur le reste des affaires qui ne sont pas vérifiées aléatoirement. Cependant, il pourrait y avoir une autre option, la sélection des risques après l’émission de la police (aussi appelée vérification après l’émission de la police aux États-Unis).
Selon le Sondage de Munich Re sur l’assurance individuelle mené en 2024, les pertes moyennes pour toutes les propositions d’assurance vie individuelle étaient de 11 %.
Sélection des risques après l’émission
La sélection des risques après l’émission est un suivi effectué après l’émission de la police. Il s’agit d’une pratique courante aux États-Unis, qui se fait habituellement sous forme d’une demande de RMT, mais elle est rarement utilisée au Canada. Au Canada, nous nous fions plutôt au processus de gestion des réclamations pour revoir les renseignements divulgués, ou l’absence de divulgation, dans une proposition.
La sélection des risques après l’émission donne à l’assureur la possibilité de revoir proactivement la proposition une fois que la police a été émise pour vérifier que la décision a été prise correctement et que la prime appropriée a été facturée. La sélection des risques après l’émission peut même donner lieu à la résiliation d’une police si des renseignements défavorables importants sur l’état de santé du titulaire de police sont découverts. Selon une étude récente menée par Munich Re, É.-U. (vie) (contenu disponible en anglais seulement), 14 % des vérifications après l’émission de la police ont révélé que les proposants bénéficiaient d’une meilleure catégorie de risque dans le cadre d’un programme de sélection des risques accélérée que celle dont ils auraient réellement dû bénéficier. Selon l’assureur, la sélection des risques après l’émission pourrait ne pas avoir d’incidence directe sur le titulaire de police et servirait plutôt d’outil pour comprendre et rajuster le rendement du programme de sélection des risques accélérée.
Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles la sélection des risques après l’émission n’a pas été bien utilisée au Canada à ce jour, mais les défis ne sont pas insurmontables, et c’est pourquoi nous mettons l’industrie au défi de la reconsidérer en tant qu’outil d’atténuation des risques afin de renforcer la sélection des risques dans le cadre d’un programme de sélection des risques accélérée.
Selon une étude récente menée par Munich Re, É.-U. (vie), 14 % des vérifications après l’émission de la police ont révélé que les proposants bénéficiaient d’une meilleure catégorie de risque dans le cadre d’un programme de sélection des risques accélérée que celle dont ils auraient réellement dû bénéficier.
Au-delà du suivi
Pourrions-nous prendre d’autres mesures pour améliorer les programmes de sélection des risques accélérée, en plus des vérifications, de la déviation de la mortalité, du suivi et, possiblement, de la sélection des risques après l’émission?
Si nous devions vraiment pousser l’industrie, l’une des notions est de faire en sorte que le rajustement de la prime soit la norme, et non l’exception. Les polices pour lesquelles les primes peuvent être rajustées sont courantes aux États-Unis et constituent une base stable pour les programmes de sélection des risques accélérée. La capacité d’évaluer le rendement d’un bloc d’affaires après l’émission et de rajuster les primes est un outil puissant. Cette souplesse pourrait donner aux assureurs une plus grande confiance dans la valeur ultime qu’ils obtiendront d’une police. Cependant, il y a de nombreux aspects à prendre en considération, qu’il s’agisse des frictions entre les consommateurs et les distributeurs, des obstacles réglementaires et du risque financier par rapport au rendement.
Que pouvons-nous faire?
Nous avons tous un rôle à jouer pour veiller à ce que les programmes de sélection des risques accélérée répondent aux besoins des assureurs et du marché à long terme. Les distributeurs peuvent modérer les attentes des titulaires de police et évaluer leur degré de tolérance à l’égard de la sélection des risques après l’émission et de tous les résultats connexes. Ils peuvent aussi établir des concepts de vente autour de la valeur des produits ajustables.
Les réassureurs mettent à profit leurs compétences en sélection des risques et en analyse pour aider à établir des mesures de contrôle des risques, comme le calcul de la déviation de la mortalité. Ils travaillent également avec les clients pour comprendre les coûts de mortalité ultimes de leur bloc d’affaires et les rajuster en conséquence, tout en gardant à l’esprit le processus de vente et l’expérience de l’utilisateur.
Les organismes de réglementation et de législation qui supervisent l’industrie de l’assurance vie peuvent prendre des mesures qui amélioreraient le rendement de l’industrie et qui garantiraient que les Canadiens disposent de produits d’assurance viables pour assurer leur santé financière à long terme. Les politiques en matière de fiscalité, de capital et de surveillance des organismes de réglementation et de législation peuvent encourager ou décourager toute forme de concept de vente ou d’approche de la sélection des risques. Des politiques visant à encourager les ajustements pourraient, à leur tour, inciter les assureurs et les réassureurs à élargir l’accès aux produits d’assurance. Bien entendu, toutes les mesures sélectives que les assureurs décident d’employer, qu’il s’agisse d’échantillons ciblés, de sélection des risques après l’émission, ou de la mise au point de produits avec primes ajustables, doivent être prises d’une manière qui respecte leur obligation de traiter les clients équitablement.