Comprendre la distribution pour favoriser la croissance
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Octobre 2023
« On vend l’assurance vie, on ne l’achète pas. » Il s’agit là d’une pensée répandue en ce qui a trait la distribution de l’assurance vie, et elle comporte une bonne dose de vérité. La plupart des acheteurs doivent être informés de la valeur de l’assurance vie et des produits qui leur conviennent. Le travail du conseiller ne s’arrête pas là. Après la vente, le conseiller doit gérer les attentes du client au moyen du processus souvent long et opaque de sélection des risques et d’exécution. Au cours des dernières années, les assureurs ont mis en place des solutions numériques pour rendre le cycle d’achat plus rapide et plus efficace. Pourtant, les nouvelles ventes, mesurées par le nombre de polices, sont en baisse, et le nombre de titulaires individuels de polices n’a jamais été aussi bas. Selon la LIMRA, 15 % moins de polices ont été vendues en 2022 qu’en 20151. Bien qu’il soit vrai que les nouvelles ventes par prime et par montant d’assurance ont suivi une tendance positive au cours de cette période, nous pouvons tous convenir que le problème lié au nombre réduit de polices vendues doit être réglé pour veiller à ce que nous offrions de la valeur aux familles canadiennes. Comment en sommes-nous arrivés là?
Un court historique de la distribution de l’assurance vie individuelle
De la création du secteur jusqu’au milieu et la fin des années 1990, la plupart des assureurs géraient directement la distribution au moyen d’un modèle d’agence exclusive. L’assurance était principalement vendue par des agents de la compagnie regroupés dans des succursales de distribution. De nos jours, tous les conseillers en assurance comptant plus de 20 ans d’expérience ont probablement été recrutés et formés selon ce modèle d’agence. Ces agents exclusifs mettaient beaucoup l’accent sur la vente d’assurance vie individuelle, et les compagnies qu’ils représentaient considéraient la satisfaction des agents et des titulaires de police comme l’élément vital de l’organisation. Le taux de roulement des nouvelles recrues était élevé à cette époque, mais une fois que les agents connaissaient du succès, ils restaient souvent au sein de la compagnie pendant toute leur carrière.
Au milieu et à la fin des années 1990, au même moment que la démutualisation de presque toutes les compagnies d’assurance, des solutions de rechange au modèle d’agence exclusive ont commencé à s’implanter. De nombreuses organisations de type agences exclusives ont ainsi fermé leurs portes, et des directeurs de succursale animés d’un esprit d’entreprise ont mis sur pied des agences générales principales (AGP) indépendantes axées sur le maintien des relations et des ventes des agents qu’ils recrutaient dans l’industrie. Contrairement aux agences exclusives, les AGP et leurs conseillers pouvaient choisir de vendre des produits de plusieurs compagnies. Les AGP cherchaient ainsi à obtenir le plus grand nombre possible de contrats d’assureurs afin d’attirer et de retenir des conseillers et de maximiser la structure des versements financiers de la compagnie aux distributeurs.
Bien que les AGP exerçaient principalement leurs activités à l’échelle régionale à ce moment-là, des organisations nationales liées aux banques ou aux courtiers en placement ont également émergé, et on les appelait les « comptes nationaux ». Les spécialistes en assurance de ces sociétés collaboraient avec des conseillers en placement internes pour la vente croisée de produits d’assurance de plusieurs assureurs aux clients existants.
Au fil du temps, les AGP se sont regroupées. Parmi les quelque 200 sociétés qui existaient au début des années 2000, plusieurs ont été acquises et intégrées à ce que sont devenues les quatre grandes AGP, qui comptent pour une partie considérable de toutes les nouvelles ventes et de tous les blocs d’affaires en vigueur au Canada. En 2017, les assurances ont commencé à acheter les AGP et un nouveau cycle a émergé avec les compagnies détenant dorénavant des organisations de distribution de courtage. Les AGP et les comptes nationaux ont alimenté la croissance de l’industrie, et le réseau de distribution par des tiers domine maintenant les parts de marché, représentant 87 % des ventes en prime à la fin de 20222.
Rôles flous
Un autre changement est survenu au cours des années 1990, avec le retrait des intermédiaires de la vente de produits d’assurance autres que l’assurance vie et la montée du modèle de distribution de placement indépendant. Les conseillers ont commencé à vendre des produits auxquels ils n’avaient pas accès auparavant, comme des solutions de placement et de services bancaires. Dissociés de leurs modèles d’agences et possiblement en raison de l’attrait à l’égard du potentiel de vente croisée que ces produits nouvellement accessibles présentaient, les rôles de « vendeur d’assurance » et de « conseiller en placement » sont devenus flous. Les conseillers recrutés et formés comme agents d’assurance vie pouvaient alors devenir des planificateurs financiers et offrir aux clients des conseils complets et une valeur globale plus importante.
À première vue, cette approche était tout à fait logique, car les consommateurs d’assurance vie individuelle et de produits de placement individuels sont souvent les mêmes personnes. Cependant, les deux gammes de produits ont des approches de vente, des plateformes d’opérations, des délais de traitement et des structures de commissions très différents. Par exemple, même si les produits de placement peuvent être traités à partir d’une seule plateforme, peu importe le fournisseur, chaque assureur a une plateforme et des flux de travail qui lui sont propres. Les ventes de produits de placement sont aussi perçues comme étant plus faciles puisque les consommateurs savent déjà qu’ils doivent investir en vue de la retraite, mais ils ne connaissent pas toujours les avantages de l’assurance vie. Il n’est donc pas surprenant que les conseillers dont l’emploi du temps est chargé favorisent souvent les ventes de placements au détriment des ventes d’assurance potentielles et du processus connexe.
Rareté des conseils
Le modèle de distribution des agences a été à l’origine du recrutement et de la formation de nouveaux conseillers, car la capacité de recruter continuellement du sang neuf dans les succursales des agences était un facteur essentiel à la réussite. Avec la transition vers le marché actuel dominé par la distribution par des tiers, le recrutement n’était plus une priorité, car l’accent était mis sur la stimulation des ventes pour le mois, le trimestre ou l’année en cours. La nouvelle génération de recrues dans le secteur des services financiers est plus susceptible de provenir des secteurs des placements ou des services bancaires et, par conséquent, d’accorder moins d’importance à l’assurance, au moment où les conseillers de l’ère des agences approchent de l’âge de la retraite.
Cette combinaison d’un plus grand nombre de conseillers passant du titre d’« agents d’assurance » à celui de « planificateurs financiers » complets et de conseillers en assurance traditionnels qui atteignent l’âge de la retraite a entraîné une rareté sur le plan des conseils en assurance au Canada. Bien que des efforts axés sur l’innovation visant à accroître la distribution de l’assurance vie directement aux consommateurs aient été déployés pour aider à combler l’écart sur le plan des couvertures, la part de marché de ce type d’assurance demeure inférieure à 10 % en ce qui concerne les primes et le nombre de polices. Cela signifie que la nature de l’assurance individuelle, « qu’on vend, et non qu’on achète », exige toujours que les conseillers guident la grande majorité des consommateurs tout au long du cycle d’achat.
Modernisation des processus
Les assureurs ont déployé des efforts considérables pour moderniser le processus d’acquisition de produits et améliorer les délais de traitement. Après des années de répétition, la pandémie de la COVID-19 a créé un sentiment d’urgence pour assurer la viabilité des nouvelles ventes. Cela a donné lieu à l’accroissement rapide des limites de sélection des risques sans prélèvement de fluides, à la suppression des restrictions relatives aux ventes à distance et à l’adoption généralisée d’outils de proposition électronique et de livraison électronique. Bien que cela ait eu l’effet escompté de maintenir les activités pendant la pandémie, cela n’a pas renversé la tendance à long terme des ventes de polices en diminution. En 2022, les nouvelles ventes ont fortement diminué du point de vue du nombre de polices, et la moyenne des temps de placement publiés est d’environ 21 jours pour les polices avec sélection des risques complète, selon le Sondage sur l’assurance individuelle 2023 de Munich Re, Canada (vie).
Les temps de placement continueront de s’améliorer, mais il est possible d’en faire plus. Nous devons songer à faire en sorte qu’il soit plus facile pour les conseillers de vendre nos produits. Pour les conseillers, la perception est la réalité. Si un conseiller est d’avis qu’un assureur a des structures complexes, des flux de travail accaparants et de longs délais d’approbation, il ne présentera pas les solutions de cet assureur.
Les inefficiences actuelles du processus de vente de l’assurance vie individuelle par rapport aux autres options de produits offertes aux conseillers font en sorte que notre secteur risque de poursuivre la tendance négative sur le plan du nombre de polices. La concurrence des compagnies d’assurance pour le temps et l’attention de nombreux conseillers ne se limite pas aux autres assureurs. Il s’agit là plutôt d’autres produits qui sont à leur disposition, et, pour une raison ou une autre, sans doute trop de conseillers et de consommateurs choisissent maintenant l’inaction.
Tirer avantage de la situation actuelle
Nous ne devons pas perdre de vue la distribution lorsque nous élaborons nos stratégies de croissance. Les nouvelles initiatives devraient tenir compte de la réalité des conseillers sur lesquels nous comptons pour vendre nos produits. Les conseils demeurent et demeureront essentiels à toute vente d’assurance vie individuelle. Le fait de garder à l’esprit l’idée selon laquelle « on vend l’assurance, on ne l’achète pas » et de mieux comprendre comment les clients achètent nos produits nous permettra d’établir la priorité des ressources et des projets.
Il sera également utile d’utiliser la technologie pour éliminer les points de friction pour les distributeurs et les conseillers, tout comme nous le faisons pour les clients finaux. Nous devons nous rappeler que la concurrence pour les gammes de produits des distributeurs et des conseillers ne se limite pas aux autres compagnies d’assurance; elle comprend aussi d’autres secteurs d’activité pour lesquels la vente et le service peuvent être perçus comme plus rapides ou plus faciles.
Si nous parvenons à éliminer les points de friction dans les processus de l’industrie, nous permettons à la distribution de rejoindre les clients et de combler l’écart de couverture d’assurance vie qui s’élargit.