L’assurance maladies graves évoluera-t-elle aussi rapidement que la science médicale ?

22:16 CEST 14.09.2017

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    L’assurance maladies graves évoluera-t-elle aussi rapidement que la science médicale ?
    © AdobeStock

    Les progrès technologiques sont de plus en plus rapides. En science médicale, notamment, on assiste à l’apparition de toute une gamme de nouveaux outils diagnostiques et de nouvelles méthodes chirurgicales. Ces innovations ont inévitablement des effets sur l’assurance qui protège contre les maladies graves, dont font partie les maladies cardiaques, l’accident vasculaire cérébral, le cancer et la perte d’autonomie.

    Les critères médicaux prévus par les polices d’assurance sont souvent tributaires de l’évolution de la pratique médicale. De leur côté, les consommateurs d’aujourd’hui n’ont jamais été aussi informés sur leur santé grâce aux sites Web, aux applications de téléphone cellulaire, et même aux produits de diagnostic à domicile qui sont maintenant offerts en ligne, dans les supermarchés et dans les pharmacies. Cette conjoncture pouvant faire augmenter le nombre des demandes de règlement pour maladies graves, la gestion des produits d’assurance pour maladies graves nécessite de suivre de près les progrès médicaux tout autant que les habitudes des consommateurs.

    Voici donc quelques-unes des innovations médicales dont Munich Re a constaté les effets sur les produits pour maladies graves et que les assureurs doivent surveiller :

    • Nouvelles méthodes diagnostiques — Amélioration des épreuves diagnostiques, techniques d’imagerie plus sensibles, programmes de dépistage; consommateurs de plus en plus informés et amélioration de l’autodiagnostic
    • Nouvelles méthodes chirurgicales — Interventions chirurgicales de moins en moins effractives

    Par ailleurs, les nouveaux traitements pharmacologiques et l’amélioration de la médecine dite personnalisée donnent lieu à des solutions de santé souvent plus ciblées, ce qui se traduit par moins d’effets secondaires, un meilleur pronostic et une prolongation de l’autonomie et de la capacité d’accomplir les activités quotidiennes.

    Quel effet peuvent avoir les nouvelles méthodes diagnostiques sur le marché de l’assurance
    maladies graves ?

    L’amélioration des méthodes diagnostiques a le potentiel de faire augmenter le taux d’incidence des maladies graves au-delà des valeurs auparavant jugées raisonnables ou acceptables. Cela dit, il n’est pas toujours évident de prédire quelle avancée aura une réelle influence sur le marché et laquelle n’en aura pas.

    Les échographies

    À l’heure actuelle, l’IRM, la TDM et l’échographie sont de précieux outils diagnostiques qui aident à trouver ou à confirmer des problèmes de santé plus précocement, lorsqu’ils sont plus facilement traitables. Ce qui est arrivé récemment en Corée nous en donne un exemple. Le marché des prestations du vivant y a accusé de fortes pertes après l’instauration d’un nouveau service de dépistage du cancer de la thyroïde. En raison de la possibilité de détecter la maladie à un stade précoce, le taux d’incidence a considérablement augmenté, avec pour résultat des demandes de règlement non prévues. Le taux de survie en cas de cancer de la thyroïde diagnostiqué tôt est de 100 %. L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) a vu à ce problème, en 2013, dans sa révision des définitions de référence en matière de maladies graves : elle a reconnu la situation et retiré le cancer de la thyroïde diagnostiqué précocement des maladies couvertes donnant droit à pleines prestations.

    Comme la technologie de l’échographie coûte moins cher qu’avant et qu’on l’utilise plus systématiquement comme outil de diagnostic précoce, les compagnies d’appareils d’échographie pourraient, de leur côté, profiter de l’occasion pour offrir des échographies de la thyroïde en privé. Munich Re a déjà observé cette situation, par exemple un diagnostic de cancer de la thyroïde effectué par échographie en Chine, suivi d’une demande de règlement présentée au Canada.

    La biopsie liquide

    Les scientifiques sont en train de mettre au point un test de dépistage du cancer qui ne prend que 10 minutes et qui peut déceler de l’ARN tumoral circulant à partir d’un simple échantillon de salive. Ce test non effractif, appelé biopsie liquide, est réputé simple, pratique, confidentiel, peu coûteux et 100 % fiable. C’est pourquoi il a tant fait les manchettes l’an dernier.

    La biopsie liquide n’en est qu’à ses balbutiements, cependant, et on ne sait pas trop si elle sera à ce point fiable ou sensible, ou alors spécifique des types de cancer qu’elle pourra dépister. L’objectif des scientifiques est d’arriver à mettre au point des tests ciblant non seulement les cancers de l’oropharynx et du poumon, mais aussi les cancers de l’estomac, du sein, des ovaires et du pancréas.

    Pour l’instant, la situation ne se répercute pas sur l’industrie, car on ne sait pas si ces tests ou des tests semblables seront utiles pour le dépistage du cancer, que ce soit du point de vue de la médecine ou de la tarification. On en saura davantage quand les études cliniques en cours fourniront des données probantes à ce sujet.

    Chose certaine, il s’agit d’une épreuve diagnostique à suivre de près. Même si les études cliniques ne font que commencer, les assureurs doivent garder à l’esprit que cela causera peut-être un déséquilibre de renseignements à l’étape de la demande de souscription entre les demandeurs et les compagnies d’assurance vie.

    Les nouvelles techniques chirurgicales rendront-elles nécessaire une modification des définitions et spécifications des maladies graves ?

    La mise au point de nouvelles techniques chirurgicales pourrait nécessiter une révision plus fréquente des définitions des prestations partielles. Les définitions de référence ne changeront probablement pas bientôt, mais l’innovation chirurgicale pourrait bien devenir la norme.

    La thrombectomie

    Partout dans le monde, l’accident vasculaire cérébral (AVC) demeure un problème de santé majeur. Il occupe le deuxième rang parmi les causes de décès et d’invalidité dans les pays occidentaux. Chaque année, il y a environ 50 000 nouveaux cas d’AVC au Canada. L’accident vasculaire cérébral fait partie des principales maladies graves qui sont couvertes en vertu des définitions de référence de 2008 et 2013 de l’industrie.

    Forts d’un certain nombre d’essais internationaux randomisés, les médecins peuvent maintenant recourir à la thrombectomie pour retirer mécaniquement des caillots sanguins susceptibles d’invalider ou de causer la mort. Cette nouvelle technologie permet d’améliorer considérablement l’issue d’un AVC et de réduire les effets d’un éventuel déficit neurologique. Il est maintenant possible d’enlever des caillots dans l’heure suivant l’admission d’une victime d’AVC dans un centre hospitalier. Dans certains cas, cela peut faire en sorte que le patient rentre à la maison plutôt que d’être transféré dans un centre de soins de longue durée. Et si le patient est jeune, cela peut signifier un retour au travail
    relativement rapide.

    Deux études publiées en 2015 ont montré qu’on peut maintenant sauver les tissus cérébraux grâce à la thrombectomie, laquelle permet de débloquer d’importants vaisseaux sanguins du cerveau : l’étude MR CLEAN (essai clinique randomisé multicentrique portant sur le traitement endovasculaire de l’AVC ischémique aigu aux Pays-Bas) et l’étude ESCAPE (traitement endovasculaire des AVC ischémiques aigus à petit noyau et à occlusion proximale de la circulation antérieure avec accent sur le raccourcissement du délai entre le diagnostic par tomodensitométrie et la recanalisation).

    Avec les methodes de traitement actuelles, 1 victime d’AVC sur 5 ayant reçu le traitement médicamenteux standard (p. ex., des activateurs tissulaires du plasminogène, ou tPA) a pu reprendre une vie autonome. L’extraction directe des caillots selon la méthode MR CLEAN réduit cette proportion à 1 victime sur 3, et la méthode de l’étude ESCAPE à 1 victime sur 4.

    La définition de référence de l’AVC stipule un déficit neurologique qui persiste pendant plus de 30 jours après le diagnostic. Étant donné les premiers résultats prometteurs que ces études laissent entrevoir, devons-nous anticiper des répercussions sur les demandes de règlement liées à un AVC ainsi qu’une possible augmentation du nombre de demandes refusées en vertu de la non-satisfaction des critères de gravité énoncés dans la définition de référence ?

    Assisterons-nous à un débat sur la gravité d’un AVC, à savoir s’il s’agit d’une maladie mettant la vie en danger ? En outre, y aura-t-il une baisse des demandes de règlement pour cause d’AVC comme stipulé par la définition actuelle de l’AVC, ce qui pourrait influer sur la tarification et (ou) sur l’inclusion d’une définition de prestations partielles pour l’AVC ?

    À l’heure actuelle, l’injection de tPA constitue le traitement standard de l’AVC ischémique aigu, mais de nouvelles études ont montré que le traitement par tPA combiné à la thrombectomie pourrait désormais contribuer à améliorer les résultats cliniques. Dans l’ensemble, il est trop tôt encore pour estimer les résultats des traitements endovasculaires

    L’implantation transcathéter de valvule aortique (ITVA)

    L’implantation transcathéter de valvule aortique (ITVA) est une autre technique chirurgicale dont il faudra suivre l’évolution. Elle consiste à insérer une valvule aortique de remplacement dans l’artère fémorale au moyen d’un cathéter. Au départ, cette technique servait à traiter les patients qui présentaient trop de facteurs de risque pour subir une opération à cœur ouvert ou dont la maladie s’avérait inopérable, ce qui est souvent le cas des patients âgés. Les nouveaux dispositifs pour ITVA sont associés à une moindre mortalité et entraînent moins de complications que la chirurgie à cœur ouvert, même chez les patients à risque.

    L’ITVA deviendra peut-être l’intervention standard chez les patients jeunes et en bonne santé, mais elle remplacera vraisemblablement la chirurgie à cœur ouvert sans que le nombre de patients ayant besoin d’une valvule aortique de remplacement augmente, ce qui signifie que le nombre total d’interventions pratiquées changera peu, ou ne changera pas.

    Dorénavant, il pourrait être raisonnable d’inclure l’ITVA dans les prestations partielles en vertu de la définition de référence du remplacement de valvule cardiaque ou de sa réparation, laquelle définition exclut actuellement les interventions percutanées par cathéter.

    La réparation endovasculaire d’anévrismes (REA)

    La réparation endovasculaire d’anévrismes (REA), qui consiste à réparer une aorte au moyen d’un cathéter, est un exemple de nouvelle méthode chirurgicale encore jamais couverte, mais qui pourrait influer sur les demandes de règlement. Cette intervention est actuellement exclue de la définition de référence de la chirurgie aortique malgré une augmentation considérable de son utilisation par personne comparativement à la chirurgie ouverte. Par conséquent, le refus d’une demande de règlement liée à une réparation endovasculaire d’anévrisme pourrait comporter un risque d’atteinte à la réputation de la compagnie d’assurance pour les raisons suivantes :

    • Le recours à la REA a augmenté de 29 points de pourcentage entre 2005 (11,5 %) et 2011 (41 %)
      au Canada.
    • Les taux de mortalité et de morbidité de la REA et de la chirurgie ouverte sont comparables.
    • La REA ne comporte pas de coûts-avantages notables comparativement à la chirurgie ouverte.

    Le nombre de personnes devant subir une réparation d’anévrisme aortique demeure stable d’une année à l’autre, et maintenant que la REA est en train de remplacer la chirurgie ouverte, il est peut-être temps d’envisager son inclusion dans les demandes de règlement.

    Notre défi

    La rapidité des progrès de la médecine nous rappelle que le pronostic d’un problème de santé, y compris le pronostic de problèmes majeurs comme l’AVC, peut changer dans les années à venir. La révision régulière des définitions des maladies graves doit être axée sur le seuil de sensibilité des épreuves diagnostiques et sur des critères probatoires, et on doit surveiller les tendances des demandes de règlement afin de rester à jour dans le développement de nos produits.

    Plus que jamais, en effet, il importe de se tenir au courant des innovations médicales et chirurgicales, car elles peuvent impliquer des changements dans les questions des formulaires de demande, les définitions, la conception des produits et la tarification au sein de notre industrie qui cherche constamment des ententes aussi équitables pour les consommateurs que pour les assureurs.

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    hodgsonreece
    Reece Hodgson
    Vice-président adjoint, sélection des risques